jeudi 25 avril 2024

Au-delà de 1000 ans : Utiliser le passé du lac Azuei pour assurer son avenir

 La matière organique préservée dans les sédiments des lacs détient des informations précieuses pour reconstituer les conditions environnementales passées. Des chercheurs de l'Université Quisqueya en Haïti ont utilisé cette approche pour analyser un échantillon de carotte prélevée dans le lac Azuei, couvrant les 1000 dernières années. Ils ont divisé la carotte en cinq périodes temporelles et ont analysé la quantité et le type de matière organique présente dans chaque couche. Les résultats ont révélé des changements dans le dépôt de matière organique qui reflétaient à la fois les fluctuations climatiques et l'activité humaine dans la région environnante.


Pendant les périodes plus sèches, telles que l'Anomalie Climatique Médiévale (ACM) et le Petit Âge Glaciaire (PAG), moins de matière organique s'est accumulée dans les sédiments, probablement en raison de la baisse des niveaux d'eau et de la croissance des plantes réduite. À l'inverse, les périodes plus humides présentaient une teneur plus élevée en matière organique. Ce schéma était valable pour la période entre l'ACM et le PAG, ainsi que pour la Période Chaude Actuelle (PCA) et l'ACM2.


L'analyse a également révélé une augmentation de la matière organique récemment, probablement liée à des activités humaines telles que la déforestation et l'agriculture. Ces pratiques peuvent entraîner un chargement accru en nutriments dans le lac, comme en témoigne la composition changeante de la matière organique.


L'étude de la matière organique dans les sédiments des lacs offre un outil puissant pour reconstituer les changements environnementaux passés. L'analyse du lac Azuei a révélé l'interaction entre le climat et l'activité humaine sur l'écosystème du lac. Comprendre ces tendances historiques peut éclairer les efforts de conservation futurs et assurer la santé à long terme de cette ressource haïtienne essentielle. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour comprendre pleinement les risques potentiels associés à cette tendance récente.

DOI:https://doi.org/10.1016/j.palaeo.2023.111845

mardi 23 avril 2024

Représentations sociales du stress chez des déplacés climatiques du quartier Nan Orèl, Nord-Ouest d’Haïti

 Le changement climatique est un phénomène complexe avec de multiples implications, qui affecte les pays de manière variable en fonction de leur infrastructure et de leurs capacités de réponse. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a confirmé l'existence de preuves des effets des activités humaines sur la santé, avec des estimations prévoyant une augmentation de la morbidité mondiale liée au changement climatique. La question de la migration induite par le climat est complexe et controversée. Le rapport de la Banque mondiale intitulé "Groundswell" prévoit 140 millions de migrations climatiques internes d'ici 2050 en Afrique subsaharienne, en Asie du Sud et en Amérique latine, tandis que l'OIM estime qu'il y avait 272 millions de migrants climatiques en 2019.


Ce résumé se concentre sur les conséquences psychologiques du déplacement lié au climat sur les populations concernées. Il analyse les représentations sociales du stress vécu par les personnes déplacées à la suite d'événements climatiques majeurs (MC) et ses impacts sur leur vie.


Haïti est particulièrement vulnérable au changement climatique et au déplacement lié au climat. Sa situation environnementale est précaire, avec une déforestation importante, des risques accrus d'inondations et de sécheresses, ainsi qu'une gestion insuffisante des ressources naturelles.


La migration est un phénomène courant en Haïti, et le changement climatique ne fait qu'aggraver la situation. Les populations rurales se déplacent vers les villes à la recherche de meilleures conditions de vie, mais se retrouvent souvent dans des quartiers précaires exposés aux aléas naturels. Les populations déplacées par le changement climatique sont souvent confrontées à des situations de stress et de traumatisme. Le gouvernement haïtien est conscient de l'importance de la question du déplacement lié au climat et a intégré le lien entre l'environnement et la migration dans sa politique migratoire globale. Il existe une multitude de travaux sur la situation environnementale en Haïti et sur la relation entre le déplacement et l'environnement. Cependant, la question de la santé mentale des personnes déplacées par le climat n'a pas encore été suffisamment étudiée.


Le cas de la ville de Port-de-Paix et du district de Nan Orèl


La ville de Port-de-Paix est située dans une zone à risque d'inondations et de sécheresses. Le district de Nan Orèl est composé de populations déplacées, dont beaucoup sont victimes du changement climatique.


L'objectif de l'étude est de comprendre les représentations sociales du stress chez les personnes déplacées par le climat dans cette région, afin d'éclairer les réflexions et les actions visant à améliorer la santé publique et à réduire la vulnérabilité au changement climatique. L'article vise à contribuer à la compréhension du lien entre le changement climatique et la santé mondiale grâce à une étude des personnes déplacées par le climat dans le précaire district nord-ouest haïtien de Nan Orèl.


Les personnes déplacées par le climat à Nan Orèl sont exposées à plusieurs facteurs de stress, notamment :

  • Événements météorologiques extrêmes
  • Inondations
  • Perte de biens
  • Difficultés économiques
  • Insécurité
  • Accès limité aux services de base

Ces facteurs de stress ont un impact significatif sur la santé mentale des personnes déplacées par le climat, qui expriment des sentiments de tristesse, d'anxiété, de dépression et de découragement.


Changement climatique, déplacement lié au climat et santé mentale

Le changement climatique et les catastrophes naturelles ont des impacts significatifs sur la santé mentale des populations. Ces impacts se manifestent par une variété de symptômes regroupés sous les concepts de solastalgie, d'éco-anxiété et d'éco-paralysie. Ces trois concepts mettent en évidence l'impact psychologique important du changement climatique sur les populations et constituent une source supplémentaire de stress.


Le stress post-traumatique est également fréquent chez les personnes déplacées par le climat, en raison des expériences traumatisantes qu'elles ont vécues, telles que la perte de biens, la destruction de leur environnement familial et social, et la peur pour leur sécurité et leur survie. Ces traumatismes peuvent entraîner des troubles de l'humeur, des troubles anxieux, des troubles du sommeil et d'autres problèmes de santé mentale.


Il est important de reconnaître que la santé mentale des personnes déplacées par le climat est souvent négligée. Les ressources et les services de santé mentale sont souvent insuffisants dans les régions touchées par le changement climatique, ce qui rend l'accès aux soins difficiles pour les personnes déplacées. De plus, les problèmes de santé mentale sont souvent stigmatisés, ce qui peut empêcher les personnes déplacées de rechercher de l'aide et de recevoir le soutien dont elles ont besoin.


L'approche des représentations sociales dans l'évaluation du stress.

Le concept de représentation sociale est complexe et polysémique. Dans le cadre de cette étude, nous nous appuyons sur les définitions de Moscovici et Jodelet. Selon Moscovici, la représentation sociale est une manière d'interpréter le monde et de réfléchir à notre réalité quotidienne. C'est une forme de connaissance sociale que la personne construit à partir de ses expériences et qui guide son comportement.


Cette approche a été utilisée pour analyser la pensée des personnes déplacées par le climat à Nan Orèl par rapport au stress. L'objectif n'était pas d'évaluer le niveau de stress, mais de rechercher le risque de choc post-traumatique et de stress généré par les événements climatiques extrêmes (MC). L'hypothèse de l'étude est que les personnes déplacées de Nan Orèl ne font pas d'association entre le stress et les MC. L'objectif est d'identifier le principal facteur de stress de ces événements majeurs de la vie.

Methodologie

L'étude est de nature exploratoire et descriptive et se concentre sur le stress lié au climat en utilisant la méthode de représentation des tâches d'association verbale. L'étude a été menée auprès d'un échantillon de 100 personnes déplacées par le climat vivant dans le district de Nan Orèl. Des entretiens semi-structurés ont été réalisés pour explorer les représentations sociales du stress, les expériences des participants et leurs stratégies d'adaptation. L'objectif est de recueillir le contenu des représentations des répondants sur le changement climatique, les événements climatiques extrêmes (MCs), le stress et les facteurs de stress de la vie.


La méthode combine des associations libres et des évocations hiérarchiques.

Les répondants devaient associer des mots à l'objet d'étude de la représentation.

L'étude a pris en compte deux facteurs : environnemental (MCs) et psychologique (syndromes de stress).

Trois critères d'inclusion ont été utilisés :

a) Groupe d'âge (25-65 ans)

b) Statut de personne déplacée par le climat

c) Nombre d'années de résidence à Nan Orèl (plus de 12 mois)


Un questionnaire standard basé sur la technique de caractérisation a été utilisé. Il était rédigé en créole et administré par des étudiants formés. Les données ont été saisies dans Google Form et analysées avec R Studio. L'échantillon a été sélectionné lors de visites préliminaires, puis 33 personnes déplacées par le climat âgées de 25 à 64 ans ont été sélectionnées. Elles avaient toutes vécu des MCs avant de résider à Nan Orèl.

L'échantillon présente des caractéristiques spécifiques à la population générale d'Haïti.

Resultats

  • Niveau de connaissances générales sur le changement climatique

Les connaissances sur le changement climatique sont limitées et souvent associées aux événements météorologiques extrêmes (pluies, inondations, glissements de terrain) et à leurs conséquences (misère, famine).

  • Classification des événements climatiques et des MCs pour les répondants

Les cyclones sont identifiés comme les MCs les plus redoutés, suivis des sécheresses, des inondations et des glissements de terrain. Les pertes matérielles (logements, bétail) sont la principale conséquence des MCs sur la vie des répondants.

  • Évaluation des risques de choc post-traumatique

Les symptômes, les sentiments et les émotions vécus par les personnes déplacées après les MCs comprennent la peur, les troubles du sommeil, la dépression, l'anxiété et les cauchemars. Les symptômes psychosomatiques les plus courants sont les maux de tête, l'hypertension artérielle, la fatigue/somnolence et l'insomnie.

  • Représentations du stress

Le stress est associé aux pensées intrusives, aux problèmes économiques, à la dépression, à l'anxiété et à l'insécurité. Les migraines et les maux de tête sont les troubles psychosomatiques les plus courants et sont principalement associés au stress.


Stress majeur de la vie

Il est défini comme un événement ayant des conséquences négatives significatives sur le bien-être physique et psychologique de l'individu, causant généralement un changement radical. Dans cette étude, le stress majeur de la vie a été déterminé par l'attribution ou l'association libre de scores allant de 0 à 3 (3 étant le plus significatif et 0 n'ayant aucun effet) à des situations connues pour être stressantes et anxiogènes (insécurité/enlèvements, problèmes économiques, maladie des enfants, perte de biens en raison de problèmes environnementaux).

Le mode avec la fréquence d'association la plus élevée est considéré comme la conséquence majeure des événements climatiques sur la vie des répondants.


Les résultats sont les suivants :

La maladie des enfants est le stress majeur de la vie pour les personnes déplacées à Nan Orèl, avec 82 % des réponses. Elle est suivie des problèmes économiques (48 %), de la perte de biens en raison de problèmes environnementaux (39 %) et de l'insécurité/enlèvements (33 %).

La maladie des enfants est le principal facteur de stress pour les personnes déplacées à Nan Orèl. Cette situation est accentuée par les conditions de vie précaires et la dépendance des parents à l'égard de leurs enfants pour améliorer leur situation socio-économique.

Les représentations sociales du stress chez les personnes déplacées par le climat à Nan Orèl sont influencées par leur situation socio-économique, leur culture et leurs expériences.


Recommandations pour de futures recherches :

  • Mener des études similaires avec des échantillons plus importants et plus représentatifs de la population déplacée par le climat en Haïti.
  • Explorer l'impact d'autres facteurs tels que le genre, l'âge et le niveau d'éducation sur les représentations du stress et des stress majeurs de la vie.
  • Mener des études longitudinales pour suivre l'évolution des représentations du stress et des stress majeurs de la vie dans les populations déplacées par le changement climatique.


 Conclusion

Le déplacement lié au climat a des conséquences psychologiques importantes sur les personnes concernées. Les populations déplacées par le changement climatique sont confrontées à un stress accru, à des traumatismes et à des problèmes de santé mentale. Il est essentiel de reconnaître ces impacts et de mettre en place des mesures pour soutenir la santé mentale des personnes déplacées par le climat, en fournissant des services de santé mentale adéquats et en sensibilisant à ces problématiques.

DOI:https://doi.org/10.4000/etudescaribeennes.24487

Au-delà de 1000 ans : Utiliser le passé du lac Azuei pour assurer son avenir

 La matière organique préservée dans les sédiments des lacs détient des informations précieuses pour reconstituer les conditions environneme...